Pour leur dernier concert, les J.M.F. ont fait appel, tout comme
l'an dernier, à E.P. Stekel et à l'Orchestre du Conservatoire. Il faut
voir dans cette démarche non seulement courtoisie mais aussi hommage à
celui qui, au long de l'année, s'efforce de donner à l'orchestre et à
Grenoble la renommée que l'un et l'autre mérite.
E.P. Stekel a donc décidé d'inscrire au programme trois œuvres de Beethoven
: l'ouverture d'Egmont, le 4ème concerto pour piano et la IIIe symphonie. On
ne peut s'empêcher de remarquer, à cet égard, que le répertoire de notre orchestre
est nombreux, varié, vaste, et que pourtant, E .P.Stekel n'est point embarrassé
pour composer un programme.
Quand on aura évalué le travail nécessaire à la mise en place de telles œuvres
(la IIIe notamment) : quand on aura dénombré les difficultés qui doivent être vaincues
; quand, enfin, on aura apprécié, à leur indéniable valeur, les efforts déployés pour
ce festival Beethoven, on conviendra que notre orchestre et son Chef ne manquent ni
d'ambitions ni de ténacité, gages de réputation.
Il fallait que ces choses fussent dites et je les dis sans ambages.
Les fidèles aux concerts déploreront toujours de ne pas entendre Mme Geneviève
Eustache-Dinand plus souvent, cette jeune femme, professeur de piano au conservatoire,
fut, le sait-on, élève de Cortot auquel, sans conteste, elle doit les qualités du jeu,
le sens de l'attaque de la touche et, pour tout dire, cette fluidité propre au grand maître
du clavier.
Nous craignons, quant à nous, que Mme Eustache-Dinand eût maille à partir avec
les défauts mêmes de ses qualités. On ne peut interpréter un concerto de Beethoven (surtout le 4ème)
comme on " coulerait " par exemple la Fantaisie impromptu de Chopin. Nos craintes n'étaient point
fondées. Mme Eustache-Dinand n'a point été embarrassée par cette manière un peu incisive, voire fruste,
caractéristique du 4è concerto. Il est vrai d'ailleurs que celui-ci parmi les " 5 "
du compositeur se distingue par une fantaisie spontanée, une rondeur, une verve
joyeuse que ne contiennent point les autres.
Quant aux difficultés mêmes de l'œuvre, Mme Eustache-Dinand nous a confié que
le 4è concerto était le plus difficile d'exécution. Nous eussions parié le contraire.
Mais n'est-il point vrai que le talent consiste précisément à donner l'illusion de la facilité ?
On aura remarqué avec quelle aisance Mme Eustache-Dinand a interprété le 1er mouvement
- difficile - du concerto, avec quel brio elle a joué le rondi final. Technique parfaite,
sens de la nuance congrue, délicatesse du jeu… C'était assez pour que le public applaudisse
chaleureusement cette jeune femme qui a l'étoffe du concertiste.
Le concert qui avait débuté par la célèbre ouverture d'Egmont (on nous excusera,
mais on nous comprendra de n'en point trop parler) se termina par l'exécution de
la IIIe Symphonie, la célèbre " Sinfonia Eroica ". E.P. Stekel, qui commenta chaque
œuvre avant que de la diriger, fit rapidement la genèse de cette œuvre dont on sait
qu'elle fut primitivement dédiée à Bonaparte. Le Chef précisa que cette oeuvre monumentale
marquait le début de la vraie manière de Beethoven, dont la deuxième Symphonie est empreinte du style de Haydn.
On ne dira jamais assez que la mise en place de cette troisième Symphonie équivaut
un tour de force. L'Orchestre s'est hissé à la hauteur de ce monument.
Il a su recréer
l'atmosphère de l'admirable " Marche funèbre ", (deuxième mouvement : ce qu'en allemand
on appelle la " Durchfuhrung "). Il su être gai avec le troisième mouvement, synthèse des
deux premiers. Bref, il a été l'artisan, conduit fermement par E.P. Stekel, de cette troisième
Symphonie, œuvre clef de ce concert des J.M.F. Il faudrait ici citer chaque musicien l'un après
l'autre. MM. Bouyssie, Eustache, Monchanin, finaliste et Coste - phalange inaltérable de l'orchestre -
dans le même temps que les habitués auront déploré l'absence de Mme Flora Elphège.
L.-J.-D.
Le Dauphiné Libéré - Avril 1958
Demain, à 21h précises aura lieu le deuxième concert symphonique de la saison sous la direction d'E. P. Stekel.
Un très beau programme attirera la grande foule des mélomanes. C'est d'abord Bach avec sa grandiose suite n°2,
en do majeur. On sait que Bach composa quatre suites pour orchestre probablement destinées à
un orchestre d'étudiants à Leipzig. Cette suite qui est dans le style français et contient, à part une ouverture, une gerbe de danses françaises du XVIIIè siècle, telles que : courante, bourrée, foriane, menuet, gavotte et passe-pied est un chef-d'œuvre d'écriture et d'expression musicale.
Deux autres chefs-d'œuvre du même compositeur que l'on a jamais entendu à Grenoble, attirent
la curiosité de notre public. Ce sont les deux concertos pour trois pianos et orchestre qui
sont interprétés par G. Doulat-Michelon, Geneviève Eustache-Dinand et M. Martin.
M. Félicien Wolff, professeur à l'Ecole nationale, a composé la cadence exigée pour le deuxième de ces concertos.
En fin de programme, une très belle œuvre d'un des compositeurs les plus discutés de notre époque,
dont le nom est devenu un cri de bataille pour la jeunesse musicale : Arnold Schönberg. On entendra
son beau poème symphonique : La Nuit transfigurée qui a comme sujet la discussion passionnée d'un couple d'amoureux au clair de lune.
Il est prudent de louer ses places au Théâtre.
Le Dauphiné Libéré.1958
Du 14 au 30 août 1959 a eu lieu à Rio de Janeiro un grand concours international de piano
auquel a participé Geneviève Eustache-Dinand, le distingué professeur de notre Ecole Nationale de musique.
C'est avec un diplôme d'honneur qu'elle nous revient, et nous ne pouvons que l'en féliciter
car il y avait 10 récompenses sur 70 candidats présents à ce concours. 21 nationalités y
étaient représentées et la France avait deux candidats.
Geneviève Eustache-Dinand a exécuté avec une très grande musicalité le nocturne de Chopin
op. 37 n.2. L'étude des gammes de Paganini-Listz.
Notre confrère, le finaliste de Manha, le grand quotidien de Rio sous la plume de son
critique musical, souligne la personnalité expressive de Geneviève Eustache-Dinand dans
l'exécution de la Bourrée fantasque de " son compatriote " Chabrier, valorisant à l'extrême la pièce du maître français.
Le quotidien O Globo, à la même date, commente la haute école de cette pianiste et la maîtrise
qu'elle a eue en présentant une excellente étude du Brésilien Oswald, laquelle du reste a été fort applaudie.
Nous rappelons que Geneviève Eustache-Dinand avait obtenu, il y a trois mois, lors du concours
international de Barcelone, un diplôme d'honneur et reçu, il y a trois ans, le prix Busoni, en Italie.
Maître Stekel peut être fier de ses professeurs, cela démontre leur valeur et la qualité de
l'enseignement dispensé à notre Ecole de Musique
GENEVIEVE EUSTACHE-DINAND
Professeur au Conservatoire
LAUREATE DU CONCOURS
INTERNATIONAL DE BARCELONE
Mme Geneviève EUSTACHE-DINAND, vient de remporter le premier diplôme d'honneur
au concours International de piano de Barcelone (Espagne), concours qui a eu lieu du 5 au 12 avril 1959.
Parmi les 62 candidats de 12 nations : Espagne, Portugal, Italie, France, Suisse,
Allemagne, Angleterre, Suède, Norvège, Brésil, Indes, Japon, dont 21 Français, elle
a été classée la première des Françaises et reçue troisième derrière le Japon et l'Italie.
Cette grande pianiste qui a joué des œuvres d'Albeniz et de Turina, a été en outre
félicitée par le Jury du concours comme étant la meilleure interprète de la musique Espagnole.
Nous rappelons que Mme Eustache-Dinand avait déjà réussi brillamment au concours
Busoni à Bolzano (Italie) en août 1953. C'est une artiste qui honore notre ville et notre conservatoire
Inaugurado Solenemente o
II Concurso Internacional
De Piano do Rio de Janeiro
Ontem, no Teatro Municipal, Foram Apresentados à Platéia Carioca od Candidatos do Certame de 1959 - Hoje, à Noite, as Primeiros Eliminatorios (TEXTO NA QUARTA PAGINA)
No palco do teatro Municipal, o jùri e os candidatos as II Concurso Internacional de Piano recebem aplausos no ato inaugural
Geneviève EUSTACHE-DINAND est à droite !
Les Instruments de la musique dans un brillant concert éducatif Grenoble
C'est à l'amphithéâtre Marcel Reymond qu'avait lieu, hier soir,
une séance à la fois peu ordinaire et pleine d'intérêt…
En effet, l'Office Départemental de la Coopérative Scolaire et l'Institut Dauphinois de l'Ecole
Moderne avaient eu l'excellente idée de profiter du talent des professeurs de l'Ecole Nationale
de Musique, pour faire une présentation des " Instruments de la Musique " ; c'était là, un point
de départ, une base, pour mettre au point une séance avant tout éducative, devant s'adresser aux
Normaliens, comme aux scolaires de tous ages…
Les organisateurs parvinrent finalement au stade
du véritable concert, dont le programme comportait, d'une part, un côté instructif, par la
présentation effective d'instruments dans le contexte de la littérature pour instrument seul,
groupés par la suite dans les formations de musique de chambre, et, d'autre part, ce côté
divertissant et agréable propre à tout concert.
Cette astucieuse " leçon de musique " débutait par un exposé clair et simple qui replaçait la
séance dans son cadre, et donnait un aperçu du contenu du programme… Au cours de ce même exposé,
les organisateurs furent chaudement félicités et remerciés.
Puis nous entrions dans le vif du sujet avec un trio de Haydn pour violon, alto et violoncelle.
Venait, ensuite, la série des " instruments seuls " ; le violoncelle dans une suite-partita de
J.S Bach ; la flûte dans des pièces de Jade et dans une fontaine acrobatique écrite dans le style
des morceaux de concours ; d'Alto, dans le premier mouvement d'une sonate dont l'instrumentaliste
était l'auteur ; le hautbois, dans un Concerto de Haendel, et le violon dans Tzigane de Maurice Ravel.
La deuxième partie vit ces instruments s'associer, se grouper, pour mieux dialoguer. Les auditeurs
purent ainsi apprécier deux trios de Beethoven, l'un pour flûte basson et piano, l'autre pour clarinette,
violoncelle et piano ; le quintette à vente de J. Castella, créé hier soir, pour la plus grande joie du
compositeur qui était dans la salle ; le 1er mouvement du Quatuor de E.P. Stekel et les " Pièces brèves
pour quintette à vent " de Jacques Ibert.
On fit donc la revue des divers " instruments de musique " et on eut aussi le plaisir d'entendre des
œuvres de musique de chambre peu connues.
Les animateurs de cette soirée étaient tous professeurs à l'Ecole Nationale de Musique, donc de
brillants artistes et interprètes. Ils sont d'ailleurs bien connus à Grenoble pour les précieux enseignements qu'ils prodiguent, et pour leur talent qui, partout, est toujours fort remarqué. La violoncelliste Nicole Orset, les violonistes Flora Elphège et Maurice Brunet, l'artiste Mario Davèze, l'ensemble de vents : Jean-Pierre Eustache (flûte), Jean Monchanin (hautbois), Max Coste (clarinette), Pierre Ravaille (cor), Gérard Dartigolles (Basson), enfin Mme Eustache-Dinand, remarquable pianiste et accompagnatrice.
C'était là une très heureuse initiative que d'associer l'Ecole Normale et le Conservatoire dans
des buts de coopération éducative. Puisse-t-elle se renouveler et que les organisateurs en soient remerciés !
L. GARDE
Réunion de famille
A l'Ecole Nationale de Musique
Les professeurs de l'Ecole nationale de Musique, entourent leur Directeur :
M. Eric-Paul Stekel. (Photo Dauphiné Libéré)
L'Ecole Nationale de Musique présentait, hier,
aux anciens, les nouveaux professeurs reçus au dernier concours, MM.Ravaille (cor),
Davèze (alto), Dartigolles (basson) et Loyer (trombone et tuba).
Ainsi donc, " la grande famille du corps professoral ", pour reprendre l'expression du
directeur Eric-Paul Stekel, s'est agrandie de quatre artistes et pédagogues que nous envient
les plus grandes villes de France. C'est ainsi, nous le révèlerons pour les derniers sceptiques,
que M.Loyer était pressenti et même impatiemment attendu à Lyon, comme soliste à l'Opéra !
Et voila notre Ecole Nationale de Musique promue " aux premières places des succursales ou
conservatoire de Paris " ; nous ne faisons encore que répéter les propos tenus par d'éminents
Maître, Grands Prix de Rome, dans un jury national dont nous faisons partie cet été, où nous
les avons entendu prononcer.
Une équipe solide préside maintenant aux destinées de la musique à Grenoble. Une équipe enfin
une, où tous, du même élan et avec la même fois, travaillent dans une atmosphère de paix, à la
renaissance artistique de notre ville. Une équipe décidée aussi à suivre jusqu'au bout le directeur
dans ses audacieuses entreprises.
Mais est-il exact de parler encore de renaissance musicale ? N'a-t-on pas vu refuser beaucoup
de monde aux deux récents Concerts Symphoniques ? N'a-t-on pas déjà enregistré des succès d'élèves,
sur le plan national, dans des concours très difficiles ? Ne voit-on pas un plus grand nombre
d'élèves décidés à mener très loin leurs études musicales ?
Et ne peut-on pas constater, dans la maison de verre qu'est devenu notre conservatoire, un climat
de joie, de confiance, d'affection même entre élèves et professeurs ?
Après Grenoble ville touristique, Grenoble ville universitaire, voici enfin venu le temps de Grenoble
ville musicale. Et ce n'est pas nous, qui avons toujours défendu cette cause, qui nous en plaindrons !
TRIOLET.
Dans les salons de la Préfecture
Brillant concert de l'orchestre
de
Chambre du Conservatoire.
L'orchestre de Chambre : Mme Eustache-Dinand (pianiste ; M. Eustache (flûtiste) ; Mme Elphège (violoniste)
et Mr E. P Stekel, directeur du Conservatoire.
C'est dans les salons de la préfecture que l'orchestre de chambre
du Conservatoire donnait, hier soir, le premier concert de l'année, consacré aux deux plus grands maîtres
classiques : Haendel et Bach. Les intempéries saisonnières n'avaient pas arrêté un public nombreux et enthousiaste.
Il n'est rien de mieux, à Grenoble, que les salons de la préfecture (obligeamment mis à la disposition de
M.Stekel par M.le Préfet de l'Isère) pour servir de salle à l'exécution d'une musique écrite pour "
l'orchestre de Chambre " car, avant de rendre compte d'un concert aussi remarquable que celui d'hier
soir, il convient de centrer notre curiosité sur une notion qui semble ne pas avoir été précisée auprès
du public ; en effet ce serait déjà un résultat appréciable, un bon acheminement vers le vrai Bach que
d'obtenir un volume de sonorité ramené à celui pour lequel sa musique a été conçue.
Nous connaissons
la composition des ses orchestres dans ses résidences diverses ; à Weimar en 1716, 4 instruments à archet,
1 basson, 4 ou 5 cuivres et les timbales ; à Côthen, 15 musiciens ; à Leipzig, pas beaucoup plus ; dans
un mémoire de 1719, Bach donne l'état de l'orchestre qu'il souhaite avoir à sa disposition, dont l'ensemble
ne dépasse pas 18 à 22 instrumentistes.
Or, plusieurs fois, nous entendons la suite en Si mineur avec le grand orchestre normal ; la flûte ne ressort
que dans la 2ème bourrée, la variation de la polonaise, et la badinerie finale ; en réalité, elle devrait
occuper sans cesse le premier plan, puisque, même dans les Tutti, elle n'est doublée, dans l'intention du
compositeur que par les premiers violons, qui ne sont pas plus de 2 ou de 3.
Que le lecteur nous excuse de ces divagations techniques introductives, mais ceci nous amène directement à
louer l'orchestre de chambre du Conservatoire et les initiatives de son chef qui, hier, nous ont permis de
goûter les véritables sonorités de l'orchestre préclassique d'avant 1750. L'exécution de la suite en Si mineur
gagnait en clarté, grâce à la formation de l'orchestre et au souffle inlassable de Jean-Pierre Eustache.
La même remarque est à faire pour le 5ème concerto Brandebourgeois : on lit en effet dans le titre du manuscrit
autographe de Bach, l'orchestration, telle qu'elle est précisée : " une Traversière (flûte), un violino
principal, un violino et una viola di repieno violoncello, violone et Cembala Concertato ", toutes choses
respectées (à part bien sur le clavecin) par M.Stekel, eu égard aux dimensions de l'orchestre de chambre,
toujours pour le plus grand bien de la compréhension de l'œuvre et de son exécution.
Madame Eustache-Dinand y brilla, proportionnant un jeu subtil et discret (très proches des sonorités du
clavecin), à un petit ensemble de grande envergure. L'accord entre violon, flûte et piano était parfait.
C'est toujours dans ce cadre que Mme Elphège interprète le Concerto pour violon en mi. Il n'est pas douteux
que, ici encore, l'emploi de tout le quintette de nos orchestres symphoniques n'est pas moins inopportun ;
le début de ce concerto nous en avertit : aux 4è et è mesures du premier Tutti, la moitié de la mesure est
dévolue au soliste, pour une apparition fugace qui est dénaturée, si ce trait de 8 doubles-croches s'oppose
à l'énorme sonorité de 30 violons Ripioni, Mme Elphège et ses accompagnateurs émus en nous rapprochant aussi
près de l'esthétique du grand organiste de Leipzig.
Enfin, il nous reste à mentionner le Concerto Grosso n°7 en si bémol de Haendel qui introduisit ce concert,
œuvre qui rappelle les larges phrases répétées et les effets de puissance de Carissimi et de Buxtehude,
fort bien interprétée par un ensemble homogène.
Les solistes de cette soirée, tous professionnels, pédagogues et artistes, lauréats de nombreux concours
internationaux, qui poursuivent sans cesse une œuvre éducative remarquable, sont trop connus du monde
musical pour qu'il soit nécessaire de faire tour à tour leur éloge.
Ce concert était d'une exceptionnelle qualité ; agréable et formateur à la fois, mettant en parallèle
l'inspiration de deux génies dans la même année (1685) C'est là une belle réalisation que de nous mettre
ainsi en contact avec la vérité musicale : tout le mérite en revient à M.Stekel. Puisse-t-il nous y remettre très bientôt.
Le Dauphiné Libéré - 12 janvier 1960.
Les Concerts
De la Société du Conservatoire
L'orchestre de chambre, Mme Eustache-Dinand, Pianiste
M. Guy Bordier, Bassoniste,
Leur chef, M. René Berthelot, et… Jacques Ibert
Triomphent au cours de la première soirée Symphonique
Tous les éléments du succès étaient dans ce concert
aux multiples attraits qui a suscité, comme pouvaient l'espérer ses organisateurs,
l'intérêt d'un grand nombre de mélomanes. On dut ouvrir une nouvelle fois les
petits salons de l'institut pour y placer le trop plein du public.
La variété bien sûr, mais aussi la qualité. Au programme, en effet, des œuvres
de J.S Bach à Jacques Ibert en passant par Mozart, Wagner, Fauré, Ravel et Chabrier,
dont une part important de primeurs : le " Concerto en si bémol " pour basson de Mozart,
et le " divertissement " de Jacques Ibert, plus le " 5ème Concerto brandebourgeois "
que la plupart des présents entendaient pour la première fois en audition publique,
de même que la version orchestrale inédite de M.René Berthelot du " Choral " de
la Cantate " Jésus que ma joie demeure " de J.S Bach. En solistes, deux professeurs,
récemment nommés au conservatoire d'Orléans : Mme Eustache-Dinand, pianiste, et M.
Guy Bordier, Bassoniste, avec lesquels cette soirée nous donnait l'occasion et
le plaisir de faire connaissance tout en appréciant leur talent.
Suivant l'ordre chronologique, le concert débutait par les œuvres de Bach. Le Choral
de la Cantate 147 fut un régal pour les auditeurs férus de nobles et larges inspirations
classiques. En portant sur le plan orchestral l'expression vocale de cette sublime
et poignante méditation, M. René Berthelot a confirmé une science de la composition
dont nous avons eu déjà maintes preuves en même temps qu'un sens musical très sur et
un scrupuleux respect des textes. Les accents du trombone (M. Verdier) et de la
trompette (M. Burtin), substitués aux voix, sont d'un effet véritablement saisissant.
Cette page fit grande impression. Il est vrai que l'orchestre s'y distingua aussi bien que dans le " 5ème Concerto brandebourgeois " qui suivit.
En composant ses concertos " accommodés à plusieurs instruments ", Bach dépassait
audacieusement son époque et ouvrait la voie aux précurseurs des concertos avec
solistes et orchestres. Le 5ème avec le 1er sont les plus originaux de cette série
de six dans lesquels le génial auteur fait preuve d'une richesse d'inventions
inépuisables dans le jeu passionnant de l'harmonie et du contrepoint entre orchestre
et instruments du concertino. Dans celui que nous entendîmes , clavier, violon et
flûte sont promus au rang de vedette, le premier ayant un relief assez net, notamment
dans le mélancolique allegro initial, au mouvement exceptionnellement ample et pathétique
ou s'insère une longue et magnifique cadence pour le piano. L'adagio, dialogue entre
la flûte et le violon empreint d'une rêveuse douceur, est une des plus belles pages de Bach.
Cette noblesse, cette clarté, cette sérénité ou cette émotion, cette rigueur rythmique
et harmonique qu'on ne peut restituer qu'au prix d'un consciencieux labeur furent
traduits d'une façon très expressive par l'ensemble des interprètes. M.Berthelot
et ses musiciens s'étaient attachés à maintenir un parfait équilibre des volumes
et des timbres instrumentaux et Mme Eustache-Dinand tempéra avec la discrétion
voulue une partie primitivement conçue pour le clavecin. A certains moments,
cependant, la flûte et le violon furent un peu estompés, tellement l'exact
dosage des sonorités est difficile à obtenir selon la place qu'on occupe
dans la salle.
Ce léger point de détail ne ternit absolument pas le mérite des exécutants,
lesquels ont droit avec leur chef aux plus vifs compliments.
La maîtrise, la musicalité, la virtuosité même dont ils firent preuve ont
confirmé la certitude que nous avions déjà du réel talent des deux sympathiques
professeurs de notre Conservatoire, Mme Ida Ribeira, flûtiste, et M. Alfred Couat,
ioloniste et nous ont révélé celui non moins grand de Mme Eustache-Dinand. Tous trois
font honneur à leur art et à leur enseignement.
Un accueil tout aussi chaleureux fut fait par la suite à M. Guy Bordier, chargé depuis
la rentrée de la classe de Basson de l'établissement de la place Sainte-Croix. Quelle
erreur et quelle injustice de croire cet instrument uniquement voué dans l'orchestre
" à la voix du milieu " celle que l'on devine plus qu'on ne l'entend. Le basson, comme
le violoncelle, dont il est le frère dans le groupe des " vents ", a ses titres de
noblesse que d'illustres compositeurs comme Mozart, Weber et d'autres n'ont pas hésité
à lui accorder. La richesse et le charme particulier de sa chaude et vibrante sonorité,
son aptitude aux traits brillants lui confèrent à l'occasion un rôle primordial sous des
apparences discrètes et haussent parfois ce géant méconnu au prestige du soliste.
Comment de pas être conquis par la beauté de cet instrument quand il a pour le mettre en
évidence un aussi génial compositeur que Mozart et un aussi admirable interprète que
M. Guy Bordier ? Ce " Concerto en mi bémol " fut sans contexte un des attraits majeurs
du programme, il surprit et captiva l'auditoire.
Et l'on ne sait ce que l'on apprécia
le plus de la musique lumineuse et raffinée du maître de Salzbourg ou du talent que M.
Bordier apporta pour la mettre en valeur : une maîtrise, une souplesse, une pureté
de sons, une netteté d'attaques, un souci des nuances qui émerveillèrent l'auditoire.
Comme les autres solistes, M. Bordier fut chaleureusement applaudi et avec lui M. René Berthelot et ses musiciens.
Ceux-ci devaient d'ailleurs se tailler un éclatant succès dans la seconde partie du
concert en apportant la preuve d'un travail fécond et d'une somme de qualités intelligemment
employés. Dans " Siegfried Idylle " tout d'abord, ou la cohésion, l'intensité expressive,
le soin minutieux du détails contribuèrent à donner à cette page romantique tout la douceur,
la tendresse et l'enthousiasme que son auteur voulut y mettre. Et, par la suite, dans le "
Divertissement " de Jacques Ibert, qui fut un véritable Triomphe.
Entre ces deux œuvres, Mme Geneviève Eustache-Dinand était venue concrétiser pleinement des
dons que nous avions discernés déjà. Elle avait choisi pour ce faire trois pièces de compositeurs
français modernes dont l'esprit et le style s'accordent à la perfection avec son jeu délicat
et sa sensibilité : la " Barcarolle en sol bémol ", de Fauré ; " Alborado del gracioso ",
de Ravel et la " Bourrée Fantasque " de Chabrier. Cette admirable pianiste y fit valoir les
ressources d'une technique sans défaut, mais, ce qui est mieux, un sens exact de l'interprétation,
une musicalité, une grâce et une élégance qui emportèrent tous les suffrages.
Mme Eustache-Dinand et M.Guy Bordier rehausseront sans aucun doute le prestige de notre Conservatoire
et avec eux M. Mourguiart nouveau professeur de piano également, dont on dit le plus grand bien et que
nous aurons plaisir à entendre lors d'un prochain concert.
Restait le " Divertissement " de Jacques Ibert, donné en première audition. L'enthousiasme que cette
œuvre extraordinaire déchaîna dans la salle est difficile à traduire. Jacques Ibert est sans nul doute
un apprenti sorcier aux formules orchestrales surprenantes, c'est aussi un homme d'esprit et un humoriste,
et dans cette suite de pastiches sur la musique de la belle époque, il était impossible, comme le souligne
M.René Berthelot, de traduire le vulgaire avec plus de distinction. Et nous ajouterons avec plus
de dynamisme et de truculence, il y a véritablement dans ce " Divertissement " de
quoi dérider les plus neurasthéniques. A plus forte raison ceux qui ne le sont pas.
Seuls, les interprètes y sont mis à rude épreuve. Et c'est là précisément où M. Berthelot
et ses musiciens triomphèrent d'une façon magistrale en faisant la démonstration d'un brio,
d'une subtilité, d'une maîtrise qui leur valurent une ovation si spontanée, si nourrie,
si insistante qu'ils ne furent quitte qu'après avoir donné en bis le trépidant finale évocateur de french can-can.
Novembre 1961 - R.G
CONCERTS DU CONSERVATOIRE
Mardi, hommage à Gabriel Fauré
Gabriel Fauré est mort le 4 novembre 1924. D'importantes
manifestations sont prévues, à Paris et en province pour commémorer cet anniversaire.
Fauré est en effet l'un des plus prestigieux compositeurs de toute l'histoire de la musique.
La société des concerts du conservatoire d'Orléans a donc tenu à participer à cet hommage
national en organisant mardi 5 novembre, salle de l'institut, un concert consacré à ses
œuvres. Cinq professeurs du conservatoire ainsi que M. finaliste Joubert, directeur,
participeront à cette soirée musicale.
Denise Dupleix, récemment nommée à la tête de la classe de chant et d'art lyrique sera
l'interprète d'une dizaine de mélodies du maître parmi lesquelles " Après un rêve ", " Les Rose d'Isaphan ", etc.
Denise Dupleix qui est donc Orléanaise depuis ce début d'année a fait toutes ses études
musicales au Conservatoire de Paris. Elle en est sortie avec un palmarès extrêmement brillant,
accumulant les médailles et les prix de chant, opéra-comique, opérette, vocalises, pédagogie,
esthétique musicale, comédie, etc. Sa carrière qui l'a conduite dans tous les pays du monde
s'est également déroulée à Paris où elle a chanté à l'Opéra-Comique de 1950 à 1960. Elle sera
accompagnée au piano par Françoise Joubert dont on connaît le talent musical et pianistique.
Un hommage à Gabriel Fauré se devait de comprendre quelques pièces pour piano seul. On pourra
entendre la 3è Barcarolle, le 4è nocturne et le 2è impromptu, qui permettront d'apprécier Geneviève
Eustache-Dinand, professeur dans notre école de musique depuis de nombreuses années qui s'était fait
longuement applaudir lors de son interprétation du 4è concerto brandebourgeois, il y a quelques années.
Le concert se terminera par le magnifique Quatuor en ut mineur, pour piano et cordes que joueront
Françoise Joubert (piano), Marcel Beaujouan (violon), finaliste Joubert (alto) et Micheline Burtin
(violoncelle).
Ajoutons que M. René Berthelot, directeur honoraire du conservatoire, grand admirateur
et connaisseur de Fauré est l'auteur d'un article inédit qui sera inclus dans les pages du programme de ce concert.
Place de 7 à 22 francs. Demi tarif aux étudiants et bénéficiaires habituels.
Location au secrétariat du conservatoire, 4 place Sainte-Croix, 1er étage, au-dessus de l'entresol,
le lundi 4 novembre pour les " Amis de l'Orchestre " puis le mardi 5 novembre pour les autres auditeurs.
Bureau ouvert de 10 heures à 12 heures et de 14 heures à 18 heures.
Location par téléphone, l'après-midi seulement (87.27.13).
CARNET DE DEUIL
Lundi 16 novembre 1987
43e année - N° 13 362
Grenoble, Paris - Mme Eric-Paul Stekel ;
MM. et Mmes les Professeurs de l'Ecole régionale de musique de Grenoble;
tous ses anciens élèves ont la grande tristesse de vous faire part du décès de
Madame Geneviève
EUSTACHE-DINAND
Professeur de piano
Survenu prématurément le 14 novembre 1987, à Paris (Bois-Colombes) après une douloureuse maladie affrontée avec courage et dignité.
Mme EUSTACHE-DINAND
Ancien professeur du Conservatoire d'Orléans
Nous apprenons avec tristesse le décès de Mme
Geneviève Eustache-Dinand, ancien professeur de piano au Conservatoire d'Orléans.
Pianiste remarquable et professeur délite, Mme Eustache-Dinand avait obtenu un brillant
1er prix au Conservatoire national supérieur de Paris dans la classe du maître Marcel
Ciampi. Elle fut lauréate de plusieurs concours internationaux, tels que le Prix Busoni,
le Prix Maria-Canals, ainsi que les concours de Barcelone et de Rio de Janeiro.
Professeur au Conservatoire de Grenoble en 1951, ville où elle donna plusieurs concerts,
Mme Eustache-Dinand fut nommée en 1961 au Conservatoire d'Orléans. Dans cet établissement,
où elle forma de nombreux élèves, dont plusieurs furent admis au Conservatoire de Paris,
elle laisse le souvenir d'un professeur accompli et qui sut inspirer à ses élèves la plus vive affection.
A son époux, flûtiste à l'Opéra, à ses enfants et à toute sa famille, nous adressons nos plus sincères condoléances.
(La République du Centre du lundi 16 novembre 1987)
Hommage à Geneviève Eustache-Dinand
La pianiste Geneviève Eustache-Dinand vient de s'éteindre à Paris, à l'age de 60 ans.
Avec cet ancien professeur du Conservatoire national de Musique de Grenoble et plus
tard d'Orléans, disparaît une grande dame de la musique.
Sa carrière fut brillante : élève de l'Ecole normale de musique de Paris, puis
du Conservatoire national supérieur de Paris (où elle suit notamment les cours de Marcel Ciampi),
elle en sort en 1950 avec le premier prix de piano. Nommée peu après professeur au Conservatoire
national de Grenoble, elle y reste jusqu'en 1961. Elle le quitte alors pour suivre
son époux - professeur de flûte dans ce même conservatoire - reçu à l'orchestre de
l'Opéra de Paris. De son mariage naîtront 3 enfants, Eric-pierre, Isabelle et Philippe.
Elle poursuit sa carrière de professeur au Conservatoire national d'Orléans.
Parallèlement à son enseignement, elle se consacre à une carrière de concertiste
et de soliste au sein de l'Orchestre symphonique de Grenoble (direction Eric-Paul Stekel),
de celui de l'O.R.T.F. de Lyon, et multiplie concerts et récitals. Elle participe
également à différents concours internationaux : en 1953 à celui de Bolzano
(concours Busoni), en 1959 à ceux de Barcelone et de Rio de Janeiro (semi-finaliste).
Elle associait à une technique parfaite une grâce persuasive, une sensibilité aiguë, et
savait admirablement doser bravoure et légèreté. Elle excellait dans des œuvres qui demandent
à la fois de la puissance et de la délicatesse : Schumann (Kreisleriana), Debussy (L'Isle Joyeuse),
Fauré (Barcarolles), Chabrier (Bourrée Fantasque), Ravel (Alborada del Gracioso), Rachmaninov
(2è concerto) et même des œuvres de Stekel qu'elle fit connaître au public Grenoblois.
Aux yeux de ses élèves, elle incarnait la musique dans sa passion, sa rigueur et sa générosité à tout partager.
Dauphiné Libéré du samedi 12 décembre 1987 - 43 ème année - n°13 385